Mauricio Limon de Leon
Promesse interdite
« Promesse interdite », 2013-2014, 19 min 50
« Promesse interdite » est une vidéo où s’intercalent régulièrement deux écrans, qui raconte dans un environnement d’images et de sons, un drame indéfini qui se joue dans la relation entre trois personnages principaux. Deux hommes, l’un dénommé « la Flamme » et l’autre nettement plus jeune, rencontrent par intermittence une jeune femme.
Pendant la majeure partie de la durée de la vidéo, nous observons des images du paysage typique de la zone métropolitaine d’une banlieue de la vallée de Mexico. Celle-ci conserve encore un environnement hybride situé entre les zones rurales et les zones urbaines pauvres. Entre montagnes rougeâtres érodées, immeubles résidentiels gris et beaux champs plantés de roses d’Inde, plusieurs rencontres s’entrelacent.
Beaucoup de rencontres ont lieu au pied d’un arbre tel un élément symbolique. Cependant, l’une des scènes principales se passe à l’intérieur d’une petite pièce. « La Flamme » et la jeune femme, assise au bord d’un lit, se regardent tandis qu’elle commence à se déshabiller. Sur le mur à côté du lit, il y a un portrait pictural des deux personnages.
La vidéo se termine sur un plan d’un autre homme, peut-être un beau-fils de « La Flamme », le partenaire avéré de la femme ou son demi-frère, en train d’uriner au sommet d’une colline. De là, on observe sous un ciel crépusculaire le déroulement d’un match de football, joué sur un terrain défini par des lignes irrégulières de craie brune - dessinées à la main - qui sont caractéristiques des champs de prairie terreux et asymétriques.
Je m’intéresse aux personnes, aux cultures marginalisées, qui vivent et travaillent dans des espaces publics et participent souvent à des agissements qui frôlent l’illégal. J’ai pour prétexte l’attirance et la fascination que j’éprouve pour ces groupes dans leurs capacités et particularités qu’ils ont développées en vivant en marge de la société.
J’ai construit des relations personnelles avec divers groupes qui m’ont permis d’entrer dans leur vie privée, en établissant des partenariats et des échanges. Tout d’abord, j’entre souvent en contact avec ces sous-cultures par le dessin. J’utilise le dessin comme un outil pour établir un langage commun entre nous, en acceptant des défis pour montrer la conviction de mes intentions, ce qui entraîne souvent des risques physiques et émotionnels. Je le fais avec l’intention de gagner leur confiance et de jouer avec leurs stéréotypes, par exemple : j’ai été surnommé «Le Christ d’Iztapala»
Une fois à l’intérieur de ces mondes, je dessine les personnes que je rencontre, en utilisant leur vie quotidienne et leurs expériences pour illustrer leurs désirs. A partir de ces premiers dessins, ils me demandent souvent de dessiner leurs familles et leurs fantasmes afin de s’exhiber dans leurs quartiers. Le dessin est important car il ne leur est pas familier, mais grâce à mon implication, il devient notre langage commun au fur et à mesure que nous développons la confiance. C’est un moyen pour moi de leur faire savoir que je reconnais leur présence et que je sers de preuve de leur existence, ce qui est important pour les personnes invisibles dans la société en général et qui a un impact sur la façon dont elles gèrent leur environnement.
Après avoir été accepté dans la communauté, je la filme. Ils prennent confiance en eux et me montrent leur monde intérieur en posant devant moi. J’ai non seulement été invité dans leurs quartiers mais aussi invité dans leur vie. Une fois, on m’a demandé de rendre visite à l’un d’eux dans un centre clandestin de désintoxication pour alcooliques. À partir de ces situations intimes, je commence à développer un travail avec ces personnes en utilisant la vidéo comme médium principal. La question du domaine public et sa relation avec les formes et stratégies du commerce informel et des entreprises à la limite de la légalité, sont fondamentales dans le développement de mon travail. La dégradation des structures sociales, la valeur de l’argent par rapport à la valeur de la subjectivité et l’ambivalence de la sexualité marquée par la violence contenue dans les mécanismes des relations de pouvoir, complètent le contenu de mon travail. Mon intention est de montrer à travers notre travail ensemble, un sens de l’humour et de la créativité, tout en exposant la misère, la violence, la dégradation et la négligence dans lesquelles ils vivent. J’insiste sur le respect de l’individualité et évite l’exotisme simpliste. Je montre l’intimité à partir d’une analyse profonde et gère un langage subjectif à partir d’un regard critique.
Mon travail découle de mes interactions avec les indigents ou les invisibles. Je suis attiré par eux par un besoin irrésistible d’entrer dans ces mondes et d’utiliser mon propre corps, ceux des autres, les paysages et les espaces extérieurs comme véhicules pour comprendre pourquoi je suis poussé à le faire. Les projets ultérieurs sont un dialogue continu entre mes envies et les situations extérieures. Je cherche différentes manières de développer ces idées à travers divers médiums tels que le dessin, la peinture, les ready-made, le cinéma et la performance.
Mauricio Limon de Leon