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vidéo en ligne

LE RIDEAU ORANGE
programme

Dans son film « Scrapbook », Mike Hoolboom traverse le temps et retrouve Dona Washington autiste qui était résidente dans un centre de développement mental en Ohio, pendant sa jeunesse, il y a cinquante ans. Il lui propose de revoir son passé et de réagir aux images prises pendant un workshop mené par son ancien professeur Jeffrey Paull alors intervenant thérapeute audio-visuel dans cet établissement. Jeffrey Paull a légué ses images à Mike Hoolboom mais qu’il a décidé d’utiliser que bien des années après. Le témoignage de Dona Washington est bouleversant et à la hauteur de ce que Jeffrey Paull voulait faire de son art « un déploiement de questions et de découvertes ». Voici comment elle s’en rappelle : « Jeff était un jeune homme triste qui souriait toujours, et il venait chaque jour pour nous montrer comment voir notre visage au travers de la caméra. » Pour cette diffusion de son film, Mike Hoolboom invite son ami Jorge Lozano avec son film « Watch my back part one ». Les deux films abordent la question de l’auto représentativité chez de jeunes patients atteints d’un trouble du comportement et chez de jeunes marginaux. Pour les deux un protocole est mis en place afin de mettre en place la libération de la parole. Une parole qui ne colle pas à l’image que l’on se fait généralement d’eux, pleine de préjugés et d’a priori.

Mike Hoolboom

Scrapbook

2015, 18 min

En 1966 mon ami Jeffrey Paull a été invité à intervenir au Broadview Developmental Center en Ohio. En faisant usage du film et de photographies, il était partie prenante d’un projet collectif lié au portrait pour lequel les résidents travaillaient en chambre noire, se prenant en photo les uns les autres et les développant eux-mêmes, afin de se considérer dans leur ensemble.

Presque cinquante ans après Donna Washington répondit à une annonce en ligne et déclara qu’elle s’est revue en jeune fille avec intérêt. Elle a été résidente dans cet établissement de 1966 à 1978. Donna regarda les prises de vue à plusieurs reprises tandis que ses remarques et réponses étaient enregistrées et plus tard éditées. Scrapbook (Album) raconte l’histoire de cette audacieuse autiste, avec ses propres mots, alors qu’elle se retrouve face à des images d’elle cinquante ans plus tôt. MH

Jorge Lozano

Watch my back part one

2010, 9 mn 50

Watch my Back 1 of 4  (Regarde mon dos 1 à 4) est l’aboutissement de mon implication dans la conception de workshop vidéo d’autoreprésentation que j’ai mené à Colombia et au Canada en travaillant avec de jeunes marginaux en danger. La série se focalise sur le contexte social, culturel, conceptuel et les espaces architecturaux qu’ils habitent, ainsi que sur leur existence quotidienne, et leur subjectivité. Watch my Back met en avant la possibilité de se libérer de l’évidence de la violence. JL

Entretien

Mo Gourmelon : Quel fut le point de départ de Scrapbook, un projet si curieux dans sa forme ? Comment cinquante ans plus tard avez vous reçu les images de Jeffrey Paull et comment avez vous sélectionné certains extraits de ses films ? 

 

Mike Hoolboom : Certaines images peuvent prendre beaucoup de temps pour être vues. Aujourd’hui, c’est difficile de le concevoir quand les images adviennent de nos caméras avant que nous ne les ayons vues. Mais certaines images ne concentrent l’attention que de nombreuses années après. 

Les images ont été réalisées en 1967 au Broadview Developmental Centre en Ohio. C’était le lieu de vie de la plupart des enfants qui avaient des troubles mentaux. Mon ami Jeffrey Paull récemment diplômé de l’université de Boston fut enrôlé comme intervenant thérapeute audio-visuel (à vertu thérapeutique). Il installa une chambre noire (faisant usage de chimie, de plateaux mélangeurs, aucun moment de prise de vue n’était possible à ce moment là). Il enseignait aux enfants comment prendre des photos, comment développer la pellicule et imprimer des photos. Ils passaient la plupart de leur vie par terre. Ils devinrent inévitablement les sujets des prises de vues. Donc leurs sujets devinrent inévitablement eux-mêmes de l’un à l’autre. Quand Jeffrey était là, il réalisa des prises de vue en 16 mm, en moins d’une demi heure dix bobines de 16 mn étaient tournées avec une camera (wind up) Bolex. J’ai utilisé la plupart de ses prises de vue, mais aucune en couleur (il avait filmé deux rouleaux en couleur), qui avaient été tournés en extérieur et avaient une tonalité différente.

Jeffrey était l’un de mes professeurs de cinéma au Sheridan College au début des années 1980. Il était la seconde personne que j’ai rencontrée qui voyait le monde comme un artiste, comme un déploiement de questions et de découvertes. Je suis allé à l’université en sachant que je voulais réaliser des films. Comme un vieux studio d’Hollywood, c’était une entreprise verticale de production, distribution et exposition. Ils organisaient deux projections la plupart des semaines et des invités arrivaient du monde entier.

 

MG : Avez vous rencontré Donna Washington, une des anciennes patientes du centre psychiatrique ? Elle se remémore et témoigne sur les images bien que finalement elle déclare qu’elle préfère que vous utilisiez en voix off, la voix d’une actrice au lien de la sienne ?

 

MH : Jeffrey me donna les prises de vues qu’il avait faites en Ohio, il y a dix ans. Je fus émerveillé puis je les ai mises de côté. J’avais besoin de temps. Puis j’ai eu l’idée que je devrais essayer de retrouver une personne qui faisait partie de la prise de vue initiale. Internet est très approprié pour de telles recherches. J’ai trouvée Donna via une discussion en ligne et elle était intéressée de se voir après de si longues années. Je lui ai adressé les prises de vues et nous avons convenu d’un moment où elle pourrait les voir pour la première fois en les commentant directement. Je lui ai aussi posé beaucoup de questions. J’étais particulièrement intéressé de sa relation avec la caméra, avec l’idée d’un portrait en relation avec son propre autisme ainsi que de ses souvenirs de Jeffrey. Elle tenait des propos extraordinairement articulés et a suivi des années de thérapie. Ses observations concernant la perception sont si vives et fortes. La façon dont elle pouvait s’identifier devint même une chaise ou un rideau d’une certaine couleur. Sa capacité à articuler ses réponses très particulières et pleines d’émotion relève d’un cadeau.

 

MG : La première fois que j’ai vu « «Scrapbook », j’ai été absolument impressionnée par les commentaires de Donna Washington, leur clarté en contraste avec les photographies des corps des enfants et adolescents. Des commentaires tels que : « Je n’avais pas encore de corps. Il advint plus tard. » Puis : « Jeffrey était celui qui a réalisé ces images. Il m’a beaucoup appris à voir un visage, comment recevoir un visage. Ce que m’a montré Jeff avec sa caméra c’est que l’on ne doit pas se retrouver bloqué dans le visage de quelqu’un.» Il y a un fossé entre ces déclarations existentielles et les idées reçues habituelles à propos de l’autisme.

 

MH : L’autisme est un mot qui recouvre un large éventail de conditions où le langage peut être un instrument aussi émoussé. C’est vrai que nous n’entendons jamais les enfants à l’écran en synchronisation. Il y a des images mais pas de sons. Dona Washington joue toujours une version d’elle-même, tel que nous le faisons tous. Quoi que chacune de ses phrases s’enracinent dans son corps, elle ne parle pas de théories ou d’idées mais d’expériences.

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