Parcelles S7
vidéo, 2020, 27 min 49
Co-réalisation Abtin Sarabi & Dominique Olier
Production Esther Creative Pictures – Krysalide Diffusion
J’ai réalisé ce film au cours d’une résidence artistique au Sénégal. Nous avons eu 40 jours seulement, pour la recherche, le repérage et le tournage. Au début, je voulais travailler sur un autre projet qui aurait été la suite de mon précédent film documentaire : Ahlé Hava (Les habitants du vent). Je l’ai tourné le long des côtes du Golf Persique et au sud de l’Iran. Il abordait la question du chamanisme et de l’exorcisme.
L’origine de cette pratique qui s’appelle la cérémonie Zâr vient de différents pays de l’Afrique. J’ai voulu le poursuivre au Sénégal car je trouvais une ressemblance entre les cérémonies actuelles en Iran et dans ce pays. Une combinaison est remarquable entre les deux cultures. J’ai rencontré plusieurs chamans à Saint Luis et à Dakar et dans quelques villages, mais malheureusement je n’ai obtenu que des refus.
Un jour, je suis allé dans un soirée culturelle à Institut Français au Sénégal, avec mon ami Jacob Wiener (artiste et réalisateur américain avec lequel je partageais cette résidence artistique). Nous avons rencontré l’un des directeurs de CSS (Compagnie Sucrière Sénégalaise). Il nous a indiqué l’existence d’un très grand champ de cannes à sucre au nord du Sénégal, à proximité de la frontière Mauritanienne, dans une ville qui s’appelle Richard Toll. Il nous a donné quelques détails de la façon de récolter. Pour nous, imaginer ce qui se passe là-bas a été alors très stimulant.
Nous avons décidé de visiter ce CSS. Après 3 jours de discussions, nous avons eu l’autorisation d’une visite. Nous avons fait un jour de repérage du champ et de l’usine.
Puis pendant une semaine nous avons fait des recherches sur ce sujet. Nous avons négocié avec cette compagnie afin d’obtenir l’autorisation de tournage pour réaliser un documentaire. Mais au début, ils n’ont pas accepté de nous laisser filmer. En effet l’endroit est très fermé et sécurisé. Et ils ne voulaient pas que des gens de l’extérieur découvrent les conditions de travail très dures des employés. Finalement grâce aux négociations de l’institut Français, on a eu l’autorisation de trois jours de tournage uniquement et pour deux personnes, sans assistants.
Notre tournage s’est déroulé dans des conditions très intenses et compliquées. Le travail commence à 4h00 du matin et se termine à 11h00 du soir voire minuit.
Nous n’avons pas eu le droit d’interviewer les travailleurs. Pendant toute la durée de notre tournage, un agent de CSS nous accompagnait pour empêcher les interviewes. Quelques travailleurs nous ont dit qu’ils voulaient parler devant caméra de la difficulté de ce travail et de leur bas salaire, mais malheureusement ce n’était pas possible. C’est la raison pour laquelle, sans interview possible, j’ai pensé exposer ces problèmes là, dans le contenu des images et dans une parole poétique.
J’ai choisi des poèmes de Sohrab Sepehri (poète contemporain iranien).
J’ai adapté ses poèmes au sujet de mon film. La relation entre l’homme et la nature dans les poèmes de Sohrab Sepehri est toujours présente. Dans ses poèmes cette relation accède à une forme mystique dans l’esprit du lecteur. C’est la raison de ce choix pour mon film.
La musique de la fin de ce film s’appelle Saraba. Saraba est un utopie ou un paradis perdu pour les Sénégalais. Saraba est un endroit qui, dans la croyance populaire des autochtones, est une quête. Ils aiment le chercher mais n’y parviennent pas. J’ai utilisé symboliquement cette musique à la fin de mon film. Les images donnent à voir les aspirations de liberté des travailleurs et dans leurs rêves ils aiment partir à SARABA pour oublier toutes les difficultés de leur vie.
Abtin Sarabi
Abtin Sarabi est né en 1984 à Téhéran, Iran. Il est cinéaste, photographe, artiste et musicien. Dès l’adolescence, Abtin Sarabi développe un travail photographique orienté vers le documentaire et la sociologie tout autant que vers une photographie mise en scène. Après avoir étudié la philosophie orientale, la peinture et la photographie à l’Université d’Art et d’Architecture de Téhéran, où il obtient son diplôme en 2009, Abtin Sarabi s’oriente vers l’art vidéo et le cinéma.
Puis il intègre l’Ecole des Beaux-Arts de Toulouse pendant quatre ans. Il y réalise des courts métrages, des vidéos et plusieurs séries photographiques argentiques. Abtin Sarabi obtient un diplôme national supérieur d’expression plastiques en 2014. Il poursuit ses recherches durant deux ans au Fresnoy, le Studio national des arts contemporain à Tourcoing où il obtient son post-diplôme en 2016.
Ses créations, fortement imprégnées par l’art pictural, sont souvent apparentées à un « cinéma poétique », sans doute en raison de la présence constante d’une dimension symbolique et de références mythologiques.